La démarche Faune-France repose à la fois sur des outils techniques ; l’implication sans faille d’un réseau associatif et un nombre important d’observateurs. Parmi ces derniers, les profils varient du débutant à l’expert, de l’observateur occasionnel au naturaliste acharné, mais tous contribuent d’un même élan à la connaissance et la protection de la nature. Jean-Pierre Matérac collecte des données naturalistes de longue date et avec un niveau d’exigence rare. Il est devenu le plus important contributeur européen et, avec grande modestie, nous présente aujourd’hui son travail. Pour Jean-Pierre, attiré par la pêche, entrer dans l’Administration des Eaux et Forêts, était une évidence. Il passe donc le concours et se retrouve intégré à l’Office National des Forêts qui, depuis 1966, a partiellement supplanté la vénérable institution. Il quitte le nord de la France et s’installe en Haute-Savoie, où il veille toute sa carrière durant sur une dizaine de forêts. L’amoureux des poissons se retrouve au milieu des arbres. Alors qu’il passait déjà beaucoup de temps à retranscrire la beauté des oiseaux en peinture, Jean-Pierre est initié à l’ornithologie de terrain par un collègue, Christian Prévost. C’est un véritable choc. Il se prend immédiatement de passion pour les rapaces. Le début d’une incroyable aventure…
Un monde largement méconnuEn 1974, on sait encore bien peu de choses sur les oiseaux de proie des Alpes et singulièrement de Haute-Savoie. Jean-Pierre entend bien combler cette lacune. Il se forme et se lance dans des prospections assidues à la recherche, notamment, des Faucons pèlerins et des Aigles royaux. Naturaliste scrupuleux, il consigne toutes ses observations sur des carnets et diffuse ses résultats auprès du Fonds d’Intervention pour les Rapaces et du Groupe Ornithologique Savoyard. En quelques années, la connaissance des rapaces nicheurs fait un bon de géant. Parallèlement, Jean-Pierre se met aussi à les dénombrer lors de leur migration, notamment au défilé de Fort l’Écluse, devenu depuis un des rares sites suivi annuellement de façon quotidienne. Une nouvelle dynamiqueAu-delà des rapaces, dont il assure la coordination des suivis, avec d’autres ornithos maintenant, Jean-Pierre contribue localement à toutes les enquêtes ornithologiques et aux atlas. Il s’implique dans la vie associative, prend en 1990 la présidence du Groupe Ornithologique Savoyard et la garde lors de la création du Groupe Ornithologique de Haute-Savoie, qui deviendra, en 1995, la LPO Haute-Savoie.
Une véritable révolutionEn 2006, sur proposition de Jean-Pierre Jordan, il encourage, avec son conseil d’administration, la création du premier portail développé par Biolovision en France, ouvert au public le 1er janvier 2007. Cette initiative engendrera le déploiement national des bases VisioNature, puis dix ans plus tard, l’émergence de la démarche Faune-France. La mise en place de la base en ligne est une véritable révolution. Les données sortent des carnets, sont partagées, facilement consultables et analysables. Le volume d’informations collectées est démultiplié, le nombre d’observateurs aussi. Jean-Pierre, en tant que validateur, veille au grain : il forme les nouvelles recrues, accompagne chacun dans ses pratiques pour que la collecte des informations soit toujours plus précise et standardisée.
Une impressionnante masse de travailAvec l’émergence de la base, le travail de terrain de Jean-Pierre, déjà impressionnant, s’accentue encore. Il y a tant de lacunes à combler, tant de découvertes à faire et tant de merveilles à protéger. Chaque jour, il prospecte, va là où personne ne se rend. Le soir venu, ou quand la météo est défavorable ou la saison plus creuse, il retranscrit méticuleusement toutes ses observations d’oiseaux et de mammifères. Les milliers d’heures de suivi, d’émerveillement dans la nature se transforment en dizaines de milliers de données, la plupart collectées sous forme de listes complètes, depuis que cette possibilité existe. Avec plus d’un million d’informations transmises, Jean-Pierre est devenu, de très loin, le plus important contributeur aux systèmes VisioNature au plan européen, et probablement un des plus méticuleux. Tout le labeur d’une vie trépidante de naturaliste est scrupuleusement archivé, précisément localisé et constitue un jeu de données homogène et sans équivalent. L’implication de Jean-Pierre est un exemple et sera vraisemblablement une source d’inspiration pour les prochaines générations de naturalistes, mais pour l’heure, pas le temps de se reposer sur ses lauriers. Il reste encore peut-être quelques coins secrets à explorer en Haute-Savoie… PhJo, le 17/09/2020 |